Depuis la fin des années 50, la Confrérie développe un plan à très
long terme : faire tomber l’Europe, puis l’Amérique du Nord sous son
joug. Un fantasme ? Absolument pas. Un document l’atteste. Baptisé « Le
Projet », ce texte de14 pages révèle que la Confrérie entend bien faire «
de l’islam la civilisation dominante et mettre fin à l’hégémonie de
l’Occident matérialiste sur l’humanité ».
Quelques
jours après le 11 septembre 2001, les carabiniers italiens investissent
deux belles villas dans la bourgade de Campione. C’est une enclave
italienne, surtout connue pour son casino, à l’intérieur de la Suisse,
plus précisément dans le canton italophone du Tessin. Les habitations
investiguées ? Celles d’Ali Ghaleb Himmat, d’origine syrienne, et de
Youssef Nada, un Egyptien, né à Alexandrie en 1931. Leur crime ? Ils
dirigent une petite société financière, baptisée Al-Taqwa, dont le siège
principal est à Lugano, au Tessin. Al-Taqwa, fondée en 1988, est
soupçonnée de financer le Hamas palestinien, le Front islamique du Salut
et le GIA en Algérie, Ennahdah en Tunisie.
Cette caisse
d’épargne du mouvement islamique mondial a-t-il également mis la main à
la poche pour boucler les fins de mois d’Al-Qaida ? Nous ne pourrons
sans doute jamais l’affirmer. D’abord parce qu’Al-Taqwa a été liquidée
en décembre 2001. Et que la justice n’a jamais été en mesure de
démontrer que l’établissement financier avait soutenu des organisations
criminelles. En revanche, les perquisitions n’ont pas totalement été
inutiles. Dans la villa de Youssef Nada, les enquêteurs ont mis la main
sur un document intitulé « Le Projet », daté du 1er décembre 1982. Le
contenu de ce « Projet », au service d’une ambition grandiose : celui
d’établir un Etat islamique sur toute la terre, a été publié en français
en 2005 dans un ouvrage intitulé « La conquête de l’Occident. Le projet
secret des islamistes » (1). Son auteur, le journaliste suisse Sylvain
Besson, est actuellement rédacteur en chef adjoint au quotidien Le
Temps, à Lausanne.
« Porter l’habit de la laïcité »
Ce rapport propose une vision globale d’une stratégie internationale
pour la politique islamique. Il s’agit notamment de « concilier
engagement mondial et souplesse au niveau local ». C’est ce qu’a
développé récemment Abdelrahim Ali, le directeur du Centre des études du
Moyen-Orient à Paris, dans son ouvrage « L’Etat des Frères musulmans.
L’Europe et l’expansion de l’Organisation internationale » (2).
Actuellement, la Confrérie a choisi « de changer de visage, pour
s’éloigner des organisations terroristes et s’intégrer dans les sociétés
arabes et celles de l’Occident ». Puis précisément, « la Confrérie a
donc décidé de faire des concessions concernant son identité islamique
et porter l’habit de la laïcité », écrit Abdelrahim Ali.
Parmi les objectifs du « Projet » :
- Préparer une étude scientifique sur la possibilité d’établir le règne de Dieu partout dans le monde.
-
S’aider des systèmes de surveillance divers et variés pour recueillir
des informations et adopter une communication avertie et efficace à même
de servir le mouvement islamique mondial.
- Accepter le principe d’une coopération provisoire entre les mouvements islamiques et les mouvements nationaux.
- Faire des études sur les juifs, ennemis des musulmans.
Parlant
de cette coopération avec des mouvements non islamistes, « Le Projet »
évoque « l’activité missionnaire chrétienne ». Toutefois, ajoute le
document « il ne faut pas leur prêter allégeance ou leur faire confiance
». C’est tout à fait la stratégie adoptée par le prédicateur Tariq
Ramadan depuis près d’une trentaine d’années. Petit-fils d’Hassan
al-Banna, le fondateur des Frères musulmans égyptiens, et fils de Saïd
Ramadan, le fondateur du centre islamique de Genève, il n’a jamais cessé
de se lier avec des personnalités chrétiennes. Il a notamment courtisé
les pères Christian Delorme, l’ancien « curé des Minguettes », Michel
Lelong, auteur de « L’islam et l’Occident », Gilles Couvreur,
responsable du secrétariat pour les relations avec l’islam de l’église
catholique. Sans oublier l’abbé Pierre, qui va mouiller sa chemise quand
Tariq Ramadan se voit interdire l’entrée en France le 26 novembre 1995 à
la frontière franco-suisse.
Le nerf de la guerre
Ce
n’est qu’aujourd’hui, suite à des plaintes de victimes, que l’étoile de
Tariq Ramadan a cessé de briller. Le prédicateur mis en examen en
France pour viol. En revanche, il n’a toujours pas été sérieusement
inquiété concernant la dangerosité des idées qu’il propage en Occident.
Pourtant, dans « Les dollars de la terreur », paru en 1999, Richard
Labévière révélait déjà que le Centre islamique de Genève « est connu
des services spécialisés de police pour être un lieu de rencontre des
principaux islamistes européens et le point de convergence des circuits
de financement » (3). A la mort du père, Saïd Ramadan, en 1995, « la
famille s’est partagée une somme apparemment considérable que Saïd
Ramadan avait en gestion pour le compte des Frères musulmans d’Egypte ».
Le journaliste souligne que grâce à cet argent, il en est résulté « une
amélioration quantitative et spectaculaire des productions et des
activités de la librairie Al-Tawhid de Lyon ». C’est encore aujourd’hui
depuis Lyon que part la propagande demandant la libération de Tariq
Ramadan.
« Le Projet », bien évidemment, n’oublie pas le nerf de la guerre. Il propose
- De recueillir suffisamment de fonds pour perpétuer le djihad
- De chercher à posséder la majorité du capital de la banque et être ainsi en position de la manipuler et de la diriger
- De créer une couverture dans un cadre légal pour les investissements afin de conserver secret les transactions financières.
(1) Editions du Seuil, 223 pages.
(2) L’Harmattan, octobre 2017, 262 pages.
(3) Grasset, 434 pages.